Buse.jpgNicolas Sarkozy nous prend pour des buses. Il ne manque pas d’air; la buse non plus tournoyant dans l’espace. On pourrait donc le confondre avec le chef d’une colonie de rapaces.
La buse est un oiseau prédateur dont la parade nuptiale, vers le printemps, au moment des amours, est étonnante. Un des deux protagonistes, en effet, prend de l'altitude puis se laisse tomber sur l'autre voletant plus bas. Ce dernier, parfait voltigeur, se retourne ventre en l'air et attend celui en chute libre en lui tendant les serres pour bien l'accueillir. Mâle et femelle semblent s'entrechoquer des pattes, se séparent puis recommencent.
Le vertige m'interdit de telles acrobaties, aussi j'admire cette prouesse digne de trapézistes.
C'est inimaginable ce que la nature peut inventer pour parvenir à ses fins. Surtout en période de rut ou d'élections. Ce qui est identique, l'un voulant en séduire d'autres.
Par conséquent, ayant vu la parade des buses, voyons celle de Sarkozy. Celui-ci vole très haut, dans des sphères qui nous sont interdites. Il plane dans le céleste. D'où il ne redescend que rarement. Le ras des pâquerettes, c'est pas pour lui; sauf quand il faut les effeuiller. Mais c'est une autre histoire qui ne me concerne en rien. Quand il daigne plonger, telle une météorite sous l'effet de l'attraction, toutes les télés sont là pour immortaliser la prouesse. Comme quand Buffalo-Bill organisait des tournées pour parader avec Sitting-Bull. Pas de caméras alors, mais des spectateurs attirés par l'étrange. Par millions pour apercevoir le tireur d'élite et à l'occasion, de bisons*. Aujourd'hui ils sont aussi nombreux pour voir l'élite de la Nation et peuvent applaudir ou huer sans se déplacer. L'ennui, c'est que l'artiste ne sait pas si son show fut bon. Alors on inventa les sondages qui ne disent que ce qu'on veut bien leur faire dire.
Donc je me suis sondé, tout seul. Mais comme je n'ai pas assisté au spectacle, n'aimant que le véritable cirque, sous chapiteau et non dans des lambris dorés, je ne peux savoir si l'équilibriste a réussi son numéro. Inutile de lorgner à droite ou à gauche, le torticolis me guette. Je me contenterai donc du fond et non de la forme.
Lecture éblouissante! J'ai dû mettre des lunettes de soleil.
Tout d'abord pourquoi ne présenter le show que maintenant si tant de mesures étaient néfastes depuis longtemps?
Un laisser-aller pernicieux de quatre ans pour le funambule qui juge pourtant la barre des 35 heures, par exemple, trop basse pour la compétition. Mais on peut s'interroger, précisément, lorsque si peu d'athlètes de nos jours sont capables de marcher dessus sans tomber, s'il est judicieux de vouloir la hausser. Plus bas, au contraire, en satisferait un plus grand nombre; sinon ça ne s'adresse plus qu'à des élites, des pros de l'exploit à Pôle emploi.
Et puis cette histoire de TVA sociale, c'est à n'y rien comprendre. Paraît qu'elle n'augmentera pas le prix des places du cirque mais que quand même elle incitera à en acheter beaucoup avant sa mise en place. Par crainte de hausse des prix. C'est pourquoi on en diffère l'instauration, pour la tentation. Quelle ruse, quand même! On dirait du Molière**; Scapin dupant Géronte.
D'autant que les ordinateurs, à Bercy, sont lents au démarrage. Huit mois de programmation me paraissent toutefois exagérés, même pour des ORIC 1 ou des Commodore 64***. Sont pas des techniciens, mais les pionniers du COBOL**** qui surplombent la Seine.
Je ne sais pas si la partenaire buse du bas, qu'on a décrite plus haut, est pratiquante du double axel en patinant sur le bleu du ciel, mais l'oiseau de passage, lui, s'y essaye. La TVA sociale n'a rien de social. C'est une hausse pour compenser les pertes des diminutions de charges salariales accordées, dès février, aux entreprises. Donc, si je comprends la ruse, on offre des remises avec de l'argent qu'on n'aura qu'en octobre. Ce n'est plus du trapèze, c'est de la prestidigitation. Du grand cirque!
Mais en octobre le lapin regagnera son gîte. Tout rentrera dans l'ordre du chapeau. Les patrons paieront moins de charges, les salariés plus de TVA. Pour compenser. Ou comment faire payer les travailleurs pour qu'ils travaillent. Redonner, sans en avoir l'air, une partie du salaire à celui qui paye. Du grand art. Epoustouflant.
Pas bégueule pour deux euros, le candidat Sarkozy a même repris une idée développée par Hollande, la création d'une banque pour financer les entreprises. Ce n'est plus un spectacle inédit, c'est du copier-coller.
Quant aux autres sketches, l'apprentissage, le logement, la taxe sur les transactions et les suivants, je ne regrette pas de les avoir ratés. Ça ne vaut pas une roupie de sansonnet, un pet de lapin, une fiente de buse. Du travail d'amateur; un apprenti saltimbanque qui rode son numéro fait mieux. A propos, un cirque étant une entreprise comme une autre, devra-t-il aussi satisfaire au pourcentage de débutants? Le spectacle en pâtira. Mais il continue, comme on dit chez les emplumés, pour la parade. Jusqu'en mai. Ensuite l’oiseau prend des vacances. Grandes et longues. Pour couver ses œufs.
Faudrait quand même pas trop nous prendre pour des buses.


*Buffalo-Bill fit beaucoup pour populariser le Far-West. En tuant pas mal de bisons, d'abord, puis en créant une troupe de spectacle. Sitting-Bull, dont le nom est la traduction anglaise de "Bison au repos" en Sioux, ne fut pas autorisé à l'accompagner pour le show qui attira trois millions de spectateurs, en 1905, devant la Tour Eiffel.
**Molière - œuvres complètes - 2 volumes - La Pléiade.
***Parmi les premiers ordinateurs familiaux des années 80.
****Langage informatique des années 50.