Avant de déverser des imbécillités avec la constance et la légèreté d’un camion-citerne, comme par exemple aujourd’hui au parlement européen —et je ne m’attarderai pas sur son incivilité vis à vis de la Chancelière allemande et du Président français ou encore sur son ignorance crasse de l’évolution du monde—, Marine Le Pen devrait se cultiver pour évoquer les invasions migratoires et lire Romain Rolland, plus précisément le septième volume de son roman  » Jean-Christophe  » d’où j’ai extrait le dialogue ci-dessous entre les deux amis, Christophe, compositeur allemand, et Olivier, normalien français.


Ce texte fut écrit en 1908.


J’aurais pu remonter plus loin dans le temps, c’est un discours récurrent depuis la nuit des temps ; il y a eu et il y aura encore des individus à rejeter l’autre par peur, par bêtise, par ignorance.


La France fut toujours un pays de migrants. Toujours elle a su les accueillir. Toujours ils se sont fondus dans notre société. Ils ont été, sont et seront notre richesse. Quel que soit leur nombre.

 » – Peuh ! fit Chris­tophe, vous ne connais­sez pas la lâ­cheté de vos maîtres […/…] Je ne vous com­prends pas. Vous avez le plus beau pays, la plus belle in­tel­li­gence, le sens le plus hu­main, et vous ne faites rien de tout cela, vous vous lais­sez do­mi­ner, ou­tra­ger, fou­ler aux pieds par une poi­gnée de drôles. […/…] Ba­layez votre mai­son.

Mais Oli­vier, haus­sant les épaules, avec une las­si­tude iro­nique, dit :

– Se col­le­ter avec eux ? Non, ce n’est pas notre rôle, nous avons mieux à faire. La vio­lence me ré­pugne. Je sais trop ce qui ar­ri­verait. Les vieux ratés ai­gris, les jeunes se­rins roya­listes, les apôtres odieux de la bru­ta­lité et de la haine s’em­pa­re­raient de mon ac­tion, et la désho­no­reraient. Vou­drais-tu pas que je re­prisse la vieille devise de haine : Fuori Bar­bari ! ou : la France aux Fran­çais !

– Pour­quoi pas ? dit Chris­tophe.

– Non, ce ne sont pas là des pa­roles fran­çaises. En vain les propage-t-on chez nous, sous cou­leur de pa­trio­tisme. Bon pour les pa­tries bar­bares ! La nôtre n’est point faite pour la haine. Notre génie ne s’af­firme pas en niant ou dé­trui­sant les autres, mais en les ab­sor­bant. Lais­sez venir à nous et le Nord trouble et le Midi ba­vard…

– et l’Orient vé­né­neux ?

– et l’Orient vé­né­neux : nous l’ab­sor­be­rons comme le reste ; nous en avons ab­sorbé bien d’autres ! Je ris des airs triom­phants qu’il prend et de la pu­sil­la­ni­mité de cer­tains de ma race […/…] Il s’éli­mi­nera de lui-même, après nous avoir nour­ris. La Gaule a bon es­tomac ; en vingt siècles, elle a di­géré plus d’une ci­vi­li­sa­tion. Nous sommes à l’épreuve du poi­son… […/…] Mais nous autres, ce n’est pas de pu­reté qu’il s’agit, c’est d’uni­ver­sa­lité. […/…] mais en fait, c’est notre génie latin qui est im­pé­rial. Nous sommes les ci­toyens de la Ville-Uni­vers. Urbis. Orbis. «