Le Plumier

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jeudi 8 octobre 2015

La France aux français

Avant de déverser des imbécillités avec la constance et la légèreté d’un camion-citerne, comme par exemple aujourd’hui au parlement européen —et je ne m’attarderai pas sur son incivilité vis à vis de la Chancelière allemande et du Président français ou encore sur son ignorance crasse de l’évolution du monde—, Marine Le Pen devrait se cultiver pour évoquer les invasions migratoires et lire Romain Rolland, plus précisément le septième volume de son roman  » Jean-Christophe  » d’où j’ai extrait le dialogue ci-dessous entre les deux amis, Christophe, compositeur allemand, et Olivier, normalien français.


Ce texte fut écrit en 1908.


J’aurais pu remonter plus loin dans le temps, c’est un discours récurrent depuis la nuit des temps ; il y a eu et il y aura encore des individus à rejeter l’autre par peur, par bêtise, par ignorance.


La France fut toujours un pays de migrants. Toujours elle a su les accueillir. Toujours ils se sont fondus dans notre société. Ils ont été, sont et seront notre richesse. Quel que soit leur nombre.

 » – Peuh ! fit Chris­tophe, vous ne connais­sez pas la lâ­cheté de vos maîtres […/…] Je ne vous com­prends pas. Vous avez le plus beau pays, la plus belle in­tel­li­gence, le sens le plus hu­main, et vous ne faites rien de tout cela, vous vous lais­sez do­mi­ner, ou­tra­ger, fou­ler aux pieds par une poi­gnée de drôles. […/…] Ba­layez votre mai­son.

Mais Oli­vier, haus­sant les épaules, avec une las­si­tude iro­nique, dit :

– Se col­le­ter avec eux ? Non, ce n’est pas notre rôle, nous avons mieux à faire. La vio­lence me ré­pugne. Je sais trop ce qui ar­ri­verait. Les vieux ratés ai­gris, les jeunes se­rins roya­listes, les apôtres odieux de la bru­ta­lité et de la haine s’em­pa­re­raient de mon ac­tion, et la désho­no­reraient. Vou­drais-tu pas que je re­prisse la vieille devise de haine : Fuori Bar­bari ! ou : la France aux Fran­çais !

– Pour­quoi pas ? dit Chris­tophe.

– Non, ce ne sont pas là des pa­roles fran­çaises. En vain les propage-t-on chez nous, sous cou­leur de pa­trio­tisme. Bon pour les pa­tries bar­bares ! La nôtre n’est point faite pour la haine. Notre génie ne s’af­firme pas en niant ou dé­trui­sant les autres, mais en les ab­sor­bant. Lais­sez venir à nous et le Nord trouble et le Midi ba­vard…

– et l’Orient vé­né­neux ?

– et l’Orient vé­né­neux : nous l’ab­sor­be­rons comme le reste ; nous en avons ab­sorbé bien d’autres ! Je ris des airs triom­phants qu’il prend et de la pu­sil­la­ni­mité de cer­tains de ma race […/…] Il s’éli­mi­nera de lui-même, après nous avoir nour­ris. La Gaule a bon es­tomac ; en vingt siècles, elle a di­géré plus d’une ci­vi­li­sa­tion. Nous sommes à l’épreuve du poi­son… […/…] Mais nous autres, ce n’est pas de pu­reté qu’il s’agit, c’est d’uni­ver­sa­lité. […/…] mais en fait, c’est notre génie latin qui est im­pé­rial. Nous sommes les ci­toyens de la Ville-Uni­vers. Urbis. Orbis. «

mardi 21 février 2012

Sarkozy et sa courbe de Gauss ainsi que des coutumes villageoises et sanguinolentes


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mardi 17 janvier 2012

Qui se ressemble, s'assemble


Les frères siamois sont très attachants. On a rarement vu deux frères autant liés l'un à l'autre. C'est étonnant et c'est pourquoi ils retiennent toute mon attention.
Ce lien d'affection est d'ailleurs identique entre deux sœurs siamoises.
Il n'était pas aisé de les vêtir. Les tailleurs de l'époque accomplissaient des prouesses malheureusement perdues depuis que le bistouri de la médecine parvient à les désunir. La science est prodigieuse et fascine ma réflexion.
En revanche on ne vit jamais un frère et une sœur réunis ainsi.

Deux interrogations majeures me viennent immédiatement à l'esprit. Pourquoi? Comment accorder le verbe réunir?

A la première question, la réponse est simple. C'est biologique. La biologie ne s'embarrasse jamais de question métaphysique. Tous les vrais jumeaux sont monozygotes. Un ovule fécondé se scinde pour les former. Si la scission n'a pas lieu, les êtres ainsi créés sont siamois. C'est un peu plus compliqué, mais comme je fus seul à nager dans le liquide amniotique maternel et n'ayant connu, depuis que j'en émergeai, que de passagères unions qu'on ne peut qualifier de siamoises puisque se scindant au bout d'un temps inférieur à la journée, je ne développerai pas cette extravagance de la nature assez rare pour ne se produire qu'une fois sur cent mille fécondations.

La grammaire est bien différente depuis que la moitié de l'espèce humaine se mêle de vouloir la bouleverser. L'abbé Bouhours avait mis un peu d'ordre en proclamant que le masculin était plus noble, rompant avec l'habitude datant du Moyen Âge de pratiquer, soit l'accord du verbe ou de l'adjectif avec le nom le plus proche, soit l'accord au choix du scribe ou au hasard de sa plume. On voulut donc que le masculin l'emportât sur le féminin et nul ne contesta cette évidence pendant trois siècles. Mais tout comme les écologistes qui ne rêvent que du passé, les féministes aspirent au retour de ces temps anciens. La raison en est certainement que pratiquant désormais autant le rugby que le football, voulant se mêler de tout et souhaitant s'enfoncer plus avant dans le ridicule, elles réclament l'abolition grammaticale de la supériorité masculine faute de pouvoir rivaliser avec le système pileux du mâle, signe incontestable de puissance. On voit quand même, parfois, quelques femmes à barbe. Toutefois insuffisamment, bien qu'on ne connaisse pas de statistiques fiables faussées par l'utilisation irraisonnée et contre nature de l'invention du baron Bic, le rasoir jetable, pour concurrencer cette suprématie.

Dans un souci d'apaisement je veux bien revenir à l'indécision de la proximité, mais je crains que cette porte ouverte à l'indémaillable n'entraîne d'autres revendications. Comme par exemple la parité en toute chose, ce qui reviendrait à penser qu'un homme et une femme formeraient un couple de siamois, à charge pour le mâle de se faire implanter quelques redondances mammaires. Alors assisterions-nous à la gémellité revendiquée face aux ennuis provoqués par des implants défectueux puisque nous avons démontré qu'il n'en pouvait être ainsi naturellement. Mâles et femelles seraient enfin, à une nuance prostatique près, égaux —ou égales pour illustrer parfaitement cette règle de la proximité.
Certains esprits chagrins me rétorqueront qu'il n'est pas charitable de se moquer du malheur des autres. Je n'en disconviens pas et loin de moi l'idée de patauger à la manière d'un Longuet dont l'évocation hasardeuse et surtout douteuse du drame du Concordia est la signature d'une avitaminose de l'esprit qui se noie dans un flot de sottises.

On a donc vu que n'est pas siamois qui veut malgré les tentatives régulièrement répétées, le jour ou la nuit selon les habitudes, d'union de deux corps. Tout au moins lors des premiers feux de la passion.

En revanche, malgré des chinoiseries itératives que se plaît à rapporter la presse, les exemples de "siamoiseries" —si l'on me permet ce néologisme— ne manquent pas au sein des partis politiques. Surtout à droite où il semblerait que de l'extrême au centre droit on se soit entendu pour appliquer une politique identitaire, sécuritaire et répressive —pour n'évoquer que cet aspect d'un programme simpliste— tout à fait comparable et développée par des mots jumeaux.

Si semblables parfois ces mots employés, ces phrases dites, ces anathèmes prononcés, ces rejets haineux, que nous pensons qu'ils sont siamois.
Ne dit-on pas, d'ailleurs, qui se ressemble s'assemble?