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mardi 21 février 2012

Sarkozy et sa courbe de Gauss ainsi que des coutumes villageoises et sanguinolentes


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jeudi 1 décembre 2011

Le bonheur de l'éléphant de mer

 

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L'éléphant de mer* est certainement le général le plus heureux du monde. Ses troupes sont un harem. Point n'est besoin pour lui de chercher autre part qu'autour son promontoire tendresse, luxure ou pugilat.
Le promontoire, en effet, est un tertre à l'usage des généraux; de là ils surveillent, armés d'une longue vue et entourés de confrères et de drapeaux, les soldats évitant les balles ennemies. C'est du moins ce que l'on constate sur les images d'Epinal ou sur la photo du haut, qui n'a rien à voir, mais représente quand même une autre bataille, celle que menèrent les grévistes contre la réforme des retraites l'an dernier. On peut y admirer des observateurs attentifs. Mais l'ennemi étant hypocritement invisible ils ne surent pas parer les coups et durent battre en retraite. Ce qui est un comble! Mais la guerre n'est pas finie et l'on espère une victoire l'an prochain.
Très férus de balistique les généraux, en suivant le tracé des projectiles, devinent donc où se cache l'adversaire et lancent vers lui la cavalerie. Ils gagnent alors la bataille. Lorsque le tertre est absent, ils la perdent et Victor Hugo** l'a bien compris lorsqu'il s'écria "Waterloo! Waterloo! Morne plaine!"

De nos jours les généraux abandonnent le promontoire pour se blottir dans des palais transformés en bunkers d'où ils ne voient rien mais dont les galeries les mènent directement vers l'avion avec lequel ils s'échapperont quand il ne restera plus rien à espérer. Ce qui survient plus souvent qu'on ne le croit et souvent vers le printemps. C'est un triste métier qu'ignore l'éléphant de mer qui vit en plein air.
L'éléphant de mer, qui n'est pas sot, ne quitte jamais son promontoire et surveille ses femelles, convoitises d'adversaires en rut soucieux d'animer une vie monotone ou peut-être diversifier la race, adeptes de l'exogamie. La dérive des continents, dont on constate chaque jour le résultat néfaste pour la Bourse, a favorisé également la séparation du genre puisque l'éléphant de mer s'est dédoublé, tous deux Mirounga, angustirostris au nord, léonina au sud. Leurs mœurs sont étrangement semblables et l'on reste pantois devant un tel mimétisme alors qu'ils se sont perdus de vue bien avant que Casanova*** ne s'échappât de sa prison vénitienne. Peut-être communiquent-ils, le progrès étant considérable de nos jours et les ondes se propageant très facilement sur l'onde.

Ainsi l'éléphant de mer est-il une espèce de Casanova sédentaire. S'il m'est permis d'employer cette antonomase. En effet, au contraire de l'illustre écrivain qui voyagea dans l'Europe entière pour affirmer sa séduction et répondre ainsi aux chants des sirènes, le Mirounga, qu'il soit du nord ou du sud, reste obstinément sur place se permettant juste quelques baignades pour se délasser et se nourrir puis remonter sur son tertre se sécher au soleil près de ses concubines.
C'est une vie pleine de sagesse qui convient parfaitement à cet individu un peu pataud, il faut bien le dire, ne pouvant s'accoupler qu'allongé sur le côté. Mesurant six mètres et pesant trois tonnes, la position du missionnaire, si elle ne lui est pas inadaptée, l'est en revanche pour sa femelle bien plus gracile qu'il écraserait ainsi. Il est donc respectueux de la pérennité de son groupe.

Le promontoire ayant été abandonné par les généraux, comme précisé plus haut, fut récupéré par les journalistes. Toujours opportunistes. Ceux-ci sont donc bien placés pour observer le monde. Ils ne s'en privent pas. Mais se répètent parfois, du moins s'entêtent lorsqu'ils ne regardent que dans une seule direction. Ils devraient, de temps en temps, tourner la tête. Ainsi ne nous ressasseraient-ils pas les mêmes histoires, comme celle de notre Casanova de New-York qui peut bien faire, sans que cela nous importune, ce qu'on admire chez l'autre et qu'on pourfend chez lui.

Le monde est étrange. On encense l'un pour condamner son sosie. Par jalousie sans doute; par convoitise aussi. L'éléphant de mer ne connaît pas son bonheur depuis que les hommes ne le chassent plus pour sa graisse.


* in "La vie des mammifères", car c'en est un, la femelle allaitant en transformant sa graisse en lait que ses petits transforment à leur tour en graisse, de L. Harrison Matthews, tome II dans la Grande Encyclopédie de la Nature en vingt volumes.
** Victor Hugo, plus affligé encore mais soucieux surtout de l'alexandrin, répéta trois fois le nom de la plaine dans son poème l'Expiation : "Waterloo! Waterloo! Waterloo! Morne plaine", qu'on peut lire dans Châtiments. On retrouvera le texte intégral dans le tome II de ses œuvres poétiques complètes édité dans la Pléiade. On attend avec impatience les tomes IV et V.
*** Casanova écrivit en français "l'Histoire de ma vie", manuscrit acquis l'an dernier par la BnF qui lui consacre une exposition du 15 novembre au 19 février prochain.
Ce manuscrit étant inédit et non expurgé par de prudes censeurs sera le support d'une prochaine édition annotée dans la Pléiade. Du moins le souhaite-t-on, les trois tomes de ses mémoires étant aujourd'hui indisponibles.

Photo PP