2575998083.jpegC'est actuellement la quinzaine de La Pléiade, pour trois volumes un album offert (Claudel cette année), les rares bouquins que j'achète encore. Pour beaucoup de raisons; les auteurs d'aujourd'hui me chloroforment; ils se ressemblent tous; aucune imagination; style stéréotypé; vous en lisez un, vous les avez tous lus. J'achète donc les auteurs de La Pléiade, qui sont tous morts, sauf un, Kundera, l'un des derniers publiés, qui exigea qu'aucune note n'accompagnât ses textes, malgré l'intérêt du principe qui enrichit la lecture par les variations, explications ou simplement précisions apportées par les spécialistes. Mais c'est son droit, après tout c'est lui l'auteur encore vivant. Et puis La Pléiade, ce sont des bouquins superbement reliés, cousus, à l'ancienne ; du bel ouvrage avec caractères garamond sur papier bible et couverture cuir qui fleure bon le voyage ; pour un prix, somme toute, très raisonnable, une œuvre complète équivalent à deux ou trois romans dans une édition non reliée dont les feuillets, après quelques lectures, se décollent, se détachent et s'envolent vers l'oubli d'où ils n'auraient jamais dû émerger. Le premier Pléiade que j'ai acquis, j'étais encore lycéen, Gide et son anthologie de la poésie française, puis Alain, Spinoza, Descartes ; je ne vais pas rééditer le catalogue de la collection en les énumérant tous, ou presque.
Alors, devant la médiocre qualité matérielle et littéraire des livres qu'on propose aujourd'hui, autant acheter, pour trois fois moins cher, dans les collections de poche, les autres scribouilleurs qui ne figureraient pas, et ils sont nombreux tout de même, dans La Pléiade. L'effort fut réel depuis les premiers livres de poches ; il y a désormais de belles collections qui vous offrent un bouquin pour 6 ou 7 euros. C'est largement suffisant, la qualité d'écriture n'étant pas proportionnelle au prix payé. Ce n'est pas du vélin et les pages sont de simples feuilles réunies et collées, certes, mais tout pareil aux bouquins des collections classiques des éditeurs, hormis quelques petites maisons qui ne subsistent que par compassion. Voyez la Blanche de Gallimard, celles du Seuil, Flammarion, Plon et les autres, jusqu'aux Belles Lettres qui s'est mis à cette reliure de bloc-note à effeuiller, si vous souhaitez, pour un volume auquel vous tenez, le faire relier, cuir ou carton marbré, impossible de nos jours. Que des liasses de papier mal collées. De toute façon les relieurs n'existent plus, disparus avec l'uniformisation et la médiocrité.
Bon d'accord, il faut évoluer et oublier le temps du coupe-papier qui vous déflorait les in-quarto avec amour. je ne suis pas contre, bien au contraire. Mais évoluer signifie pour beaucoup rétrograder.
Prenez l'iPad ; qu'est-ce que c'est au juste sinon pas autre chose (on emploie déjà le terme) que la tablette d'argile modernisée. Aussi fragile et lassant à lire, qui plus est tributaire de piles qui s'épuisent au même rythme que l'intérêt du lecteur. Et c'est pas facile de marquer une page quand les batteries s'endorment au ronronnement d'un auteur. Ne disparaîtront certainement pas l'iPad et ses dérivés, la jeunesse s'y attachera ignorant déjà tout autre support, mais le style de l'écrit va se modifier, s'araser car on ne lit pas de la même manière selon que l'on a un journal, un livre ou une boîte en Bakélite ou en alu entre les mains et devant les yeux. On n'arrête pas le progrès, mais actuellement il retourne vers l'origine, des dessins sur une paroi comme un SMS ou un texto sur un écran.
Les tablettes d'argile ne supportaient que quelques phrases, quelques mots, quelques hiéroglyphes. Idem à terme pour les supports électroniques.
Relisez mon billet. Il est court, peu détaillé, pour ne pas lasser. Lisez d'autres notes ; pareil ! D'ailleurs, celles qui sont trop longues, trop développées, sont abandonnées en cours de lecture, voire écartées dès la vision d'une tartine longue comme un papyrus qui se déroule entre des spots de pub.
Pour être lu demain il faudra n'écrire qu'une phrase, surtout banale, sans recherche afin de ne pas perturber un vocabulaire nanifié. Ça commence déjà pour mieux s'accorder avec l'univers qu'on nous promet. Plat comme un écran.
Je vous l'abandonne, je retourne à Conrad, dans La Pléiade, que je suis en train de lire avec délice.